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Le cannabidiol (CBD) est une molécule présente principalement dans les fleurs et les feuilles du chanvre. Contrairement au THC, il n'a pas d'effet psychotrope et serait sans danger selon l'OMS et le Conseil d'État français. Il est métabolisé par le foie, principalement par les enzymes du cytochrome P450, une interaction pouvant affecter le métabolisme d'autres médicaments. C'est précisément pour cette raison qu'il est pertinent de se questionner sur le danger potentiel du CBD pour le foie.
Le foie est un organe important pour le métabolisme des substances, et comprendre la façon dont il réagit en présence de CBD permet de savoir quelles précautions prendre pour préserver votre santé.
Le foie métabolise le CBD grâce à son système enzymatique du cytochrome P450, qui transforme le CBD en métabolites qui, eux-mêmes, seront éliminés par l'organisme. Le CBD pouvant modifier l'activité de ces enzymes, il a la possibilité de ralentir ou accélérer la dégradation d'autres substances médicamenteuses. La warfarine, par exemple, est un anticoagulant métabolisé par certaines enzymes du cytochrome P450 qui, lorsqu'elles sont inhibées, augmentent le risque hémorragique.
La fluoxétine, utilisée comme antidépresseur, est principalement métabolisée par deux enzymes hépatiques : le CYP2D6 et le CYP2C91. Lorsque ces enzymes sont inhibées, cela peut avoir des conséquences :
L'augmentation des concentrations plasmatiques : un ralentissement de l'élimination de la fluoxétine, qui entraîne une accumulation du médicament dans le sang
La potentialisation des effets : des niveaux plus élevés de fluoxétine peuvent intensifier ses effets thérapeutiques
Un plus grand risque d'effets indésirables : l'accumulation de fluoxétine augmente le risque d'effets indésirables, notamment le syndrome sérotoninergique
La ciclosporine, quant à elle, est un immunosuppresseur principalement métabolisé par l'enzyme CYP3A4. Lorsqu'elle est inhibée, cette dernière peut entraîner un risque de toxicité, notamment d'ordre rénal.
Les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2, bien que présents en faible quantité dans un foie sain, voient leur activité modulée par le CBD qui interagit avec eux de manière indirecte. Alors que les récepteurs CB1 sont principalement liés au stockage des graisses (stéatose) et à la cicatrisation des tissus dans le foie, les récepteurs CB2 ont tendance à réduire l'inflammation. Bien que le CBD n'active pas directement ces récepteurs, il peut toutefois influencer le système endocannabinoïde de manière indirecte, en réduisant l'inflammation et la cicatrisation excessive (fibrose) dans le foie, une bonne nouvelle pour les personnes souffrant de maladies hépatiques chroniques.
Les études scientifiques récentes révèlent des résultats nuancés concernant les effets du CBD sur le foie. D'une part, certaines recherches suggèrent des effets bénéfiques, tels que des propriétés anti-inflammatoires et anti-fibrosantes. D'autre part, des inquiétudes persistent quant à de possibles effets hépatotoxiques dus à de fortes doses ou à une consommation prolongée.
Le professeur Terence Bukong, spécialiste en hépatologie et en virologie à l'INRS, a observé que parmi les consommateurs de cannabis à haute teneur en CBD, le risque de développer une hépatite alcoolique était réduit de 40% chez les personnes ayant un problème de consommation d'alcool diagnostiqué. De plus, des études cellulaires ont permis de démontrer les propriétés anti-inflammatoires du CBD, grâce à la diminution de la production de certaines molécules inflammatoires et à l'inhibition des voies de signalisation liées à l'inflammation. Ces mêmes expériences ont permis de constater que le CBD contribue à réduire l'accumulation des graisses et ainsi limiter la stéatose hépatique (foie gras).
Dans le cadre de la thèse de maîtrise d'Ebtisam Abosmaha, réalisée sous la direction du professeur Terence Bukong, deux formulations de cannabis à spectre complet (taux de CBD élevé/taux de THC bas et taux de THC élevé/taux de CBD) ont montré des effets du CBD sur le processus d'autophagie qui, en étant stimulé, favorise l'élimination par les cellules du foie de leurs déchets et composants endommagés.
L'étude "Hepatotoxicity of a Cannabidiol-Rich Cannabis Extract in the Mouse Model", publiée en 2019 dans la revue scientifique Molecules, met en lumière des risques pour le foie qui découlent directement de la consommation de CBD. Lors de tests sur des souris, des doses élevées de CBD (dose unique 2460 mg/kg) ont entraîné une augmentation du poids du foie et des taux anormaux d'enzymes hépatiques, signes d'une toxicité aiguë ; une administration prolongée à forte dose (administration quotidienne de 615 mg/kg pendant 10 jours) a, quant à elle, mis en évidence des signes de toxicité subaiguë chez la majorité des souris. Le CBD a également modifié l'expression de plus de 50 gènes hépatiques, affectant le métabolisme lipidique et la réponse au stress oxydatif. Ces résultats soulèvent des inquiétudes quant à l'hépatotoxicité potentielle du CBD, particulièrement à fortes doses ou sur le long terme.
L'étude CARAMEL (Cannabidiol for Reducing Alcohol Drinking and Modifying the Effects of alcohol of the Liver and the brain), est menée depuis 2022 au Centre hospitalier Le Vinatier de Lyon. Dirigée par le Professeur Benjamin ROLLAND, cette recherche vise à évaluer l'efficacité du cannabidiol dans le traitement de la dépendance alcoolique. L'étude compare les effets du CBD (dosé jusqu'à 600 mg par jour) à ceux d'un placebo sur 76 participants, répartis équitablement en deux groupes de 38 personnes souffrant d'addiction à l'alcool. Pour ce faire, les chercheurs surveillent :
L'évolution de la consommation d'alcool quotidienne des sujets
Les modifications de la stéatose hépatique (fibroscan et IRM)
Les changements neurologiques (IRM)
Les performances cognitives (tests neuropsychologiques)
L'étude devrait se poursuivre jusqu'en 2025, avec une publication des premiers résultats prévue au premier trimestre 2025. Cette recherche pourrait valider scientifiquement l'utilisation du CBD comme aide thérapeutique dans le sevrage alcoolique, tout en documentant ses effets sur la santé des patients dépendants à l'alcool.
Le CBD peut influencer l'action des enzymes hépatiques responsables de la métabolisation des médicaments, une interaction qui peut modifier la concentration des médicaments dans le sang, soit en l'augmentant dangereusement, soit en la diminuant au point de réduire leur efficacité. Les médicaments concernés par ces interactions incluent les anticoagulants, les antidépresseurs et les immunosuppresseurs, comme vu précédemment, mais également les antirétroviraux, une classe de médicaments conçus pour traiter les infections causées par les rétrovirus comme le VIH. Pour les personnes sous traitement médical, il est donc fortement conseillé de consulter votre médecin traitant avant de consommer du CBD, d'informer vos autres professionnels de santé de votre consommation de CBD et de respecter les posologies recommandées, tout en surveillant l'apparition d'effets indésirables éventuels.
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